Le discours du Général de Gaulle du 28 janvier 1944 représenta une ouverture majeure de la doctrine coloniale française et ouvrit aussi une nouvelle page de l'histoire des territoires colonisés d'Afrique noire. Il fut suivi d'un processus marqué par des lois définissant un nouveau statut pour les colonisés et par l'adoption de la Constitution du 27 octobre 1946. Cette dernière prévoyait, dans le cadre d'une " Union Française ", l'octroi de la citoyenneté française, l'autorisation des partis politiques locaux et leur représentation dans les assemblées parlementaires métropolitaines. La loi Defferre de 1956, puis la Constitution de 1958, instituant une " Communauté franco-africaine ", réalisèrent une nouvelle étape, permettant la démocratisation des processus électoraux en Afrique, la constitution de véritables assemblées et conseils de gouvernement territoriaux. La transmission de l'État colonial était en marche sur le plan politique. Cette évolution s'effectua non sans contradictions au sein des " élites " et au fil de crises multiples. C'est dans ce contexte d'effervescence, qui dissimulait mal les antagonismes entre partisans de tous bords, que le Gabon devint indépendant en 1960. Ainsi émergea un personnel politique et administratif qui, obsédé par son positionnement aux sommets du pouvoir, s'écarta très vite des impérieuses nécessités de la construction d'un nouvel Etat. Mal-gré la présence d'une assistance technique française et d'anciens commis de l'administration coloniale, le Gabon ne parvint pas à combler ce hiatus originel. L'instrumentalisation de la Constitution par le président Léon Mba généra des actes impopulaires, sources d'un malaise persistant dans le pays. Cette dérive autoritaire déboucha sur le putsch du 18 février 1964 qui l'évinça du pouvoir. Il ne fut rétabli in extremis que par une intervention militaire française. C'est l'histoire mouvementée de cette transmission de l'Etat colonial aux Gabonais que W.-A. Ndombet nous décrit ici avec force détails à partir des sources d'archives.