" Une vieille polémique a souvent opposé les thuriféraires et les pourfendeurs du chantre de la négritude, notamment sur un point précis. Dans Chants d'ombre (1945), son premier recueil de poèmes, figure une pièce, certainement la plus célèbre de Senghor, "Femme Noire". Dans ce magnifique texte, on lit l'un des plus beaux hommages qu'un homme ait jamais rendus à la gent féminine africaine. Aussi, quand les retardataires débarquèrent, flanqués de leur sous-information, ont-ils tôt fait de crier au contresens, à la contradiction, à la trahison et à l'escroquerie intellectuelle. C'est que, de leur poste d'observation, ils n'ont connu que Colette Senghor, née Hubert, comme partenaire de vie du poète sénégalais. Ils ignoraient (ignorent-ils toujours ?) que le natif de Joal fut marié en premières noces à Ginette Éboué, la fille de l'ancien gouverneur général de l'Afrique-Équatoriale française, Félix Eboué, une femme noire, avec laquelle il aura deux fils, Francis-Arfang Senghor et Guy-Wali Senghor. Et comme "l'ambassadeur du peuple noir" a su toujours célébrer ses femmes, quoi de plus normal qu'il rendît grâce à la Noire. Mais pas que. Et c'est là qu'il faut, pour notre part, saluer Colette Senghor qui a tiré sa révérence le 18 novembre 2019, alors qu'elle allait sur ses 94 ans. "