Certes, l'histoire de la traite négrière a fait l'objet d'une abondante littérature, il en reste néanmoins des " zones de silence " que tente d'explorer cet ouvrage : comment s'articula l'expérience temporelle des captifs africains lors du voyage tragique vers les Amériques qu'on a appelé " Middle Passage " ? Le temps calendaire ou historiographique, à travers lequel le " Middle Passage " a toujours été perçu, ne se révèle-t-il pas lacunaire dès l'instant que l'univers subjectif des esclaves est pris comme point focal pour saisir la temporalité de la traite atlantique ? La présente étude montre que le genre littéraire dit " transatlantic slave narrative ", faisant un retour symbolique vers le temps des voyages négriers, cherche à élucider les non-dits de l'Histoire officielle. Il se déploie en un lieu aporétique où l'historien ne peut intervenir parce que le factuel y est hypothétique. La particularité de ce travail réside alors dans une approche qui opère selon les modalités de la contre-histoire en vue de faire émerger l'histoire tue. Elle soulève des interrogations d'ordre philosophique quant aux stratégies de préservation et d'évacuation de la mémoire, examine les constructions théoriques sur l'écriture métisse ou diasporique. L'ouvrage va bien au-delà du traumatisme de la Traite pour renouveler le questionnement sur l'identité noire contemporaine. Une identité mosaïque et rhizomorphe, soumise à la législation des métamorphoses, qui noue et dénoue son essence dans le mouvement et l'aléatoire.