Le croqueur qu'on voit sur la couverture est un ogre maléfique, qui va refermer ses grandes dents sur un petit animal terrorisé. Mais le croqueur, c'est aussi celui qui fait des croquis, le dessinateur de presse. C'est donc à une lutte sans pitié que nous assistons, entre un ministre irascible (las d'être ridiculisé, il demande de l'aide à un sorcier) et un sympathique caricaturiste, évident avatar de l'auteur qui exerce le même métier. Les formes que prend le combat politique sont ici originales, puisqu'au-delà du match entre les adversaires déjà évoqués se déroule un second combat entre deux sorciers, l'un adepte de la magie noire et l'autre maître de la magie blanche. On va donc de retournement de situation en retournement de situation jusqu'à un dénouement classique où le méchant est puni et le bon récompensé. Mais dans le cours du récit, l'auteur fait preuve d'une imagination débordante, et invente des péripéties parfois totalement inattendues. Il mène son histoire à un rythme endiablé, avec un découpage très efficace : pas un mot de trop, pas une case de trop. Il fait alterner le temps de la nuit et des machinations magiques et le temps du jour et de la vie moderne. Le grand format autorise des cases spacieuses, une mise en page variée, et de fréquents changements de cadre. On rit beaucoup, même si le sujet est sérieux. Sur son blog, Jeff Ikapi, caricaturiste gabonais, croque les grands du monde africain (et des pays du Nord quand ils s'occupent de l'Afrique) avec une verve féroce ; il a participé à l'hommage rendu par les dessinateurs du Mondoblog aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo.